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Un été chaud pour les logiciels libres

François Elie, président de l'Adullact, informe ses adhérents sur l'actualité européenne et les dangers des brevets logiciels

Cher membre,

Vous êtes membre de l'Adullact, association née en septembre 2002, qui vise à constituer, développer et promouvoir un patrimoine commun de logiciels libres métier. Nous pouvons nous féliciter que de nombreuses collectivités, des régions, des départements et des villes, mais aussi des hôpitaux et des administrations s'engagent dans la voie de la mutualisation que nous nous proposons, afin d'épargner l'argent public et bâtir ensemble et en réseau l'administration électronique de demain. Mais une menace mortelle pèse sur notre action commune.

Une directive se proposant d'étendre la brevetabilité au logiciel va passer en deuxième lecture au Parlement Européen au début du mois de juillet.

L'extension en Europe du champ de la brevetabilité au logiciel menacerait le logiciel libre et ses usages : et en premier lieu les usages stratégiques qu'en font les acteurs publics donc nous sommes.

Beaucoup s'interrogent : à qui profiteraient les brevets logiciels ? Aux grandes entreprises ou aux petites ? Mais la vraie question est : à qui les brevets logiciels vont-il nuire ? Et la réponse est simple : à l'administration électronique bâtie en logiciels libres.

Les logiciels libres ont une propriété qui les rapproche des mathématiques: il faut investir pour les produire, mais ensuite ils peuvent être utilisés librement, étudiés librement, distribués librement, et améliorés librement. L'argent public, qui a vocation à ne payer qu'une fois a donc un rapport évident avec des logiciels qui sont gratuits une fois que leur développement a été payé.

Personne ne doute d'un modèle économique sur des mathématiques libres.

Mais tout le monde a oublié que Pythagore interdisait à ses disciples de divulguer les théorèmes et leurs démonstrations. C'est le miracle grec qui a libéré les mathématiques et nous a donné vingt siècles de savoir ouvert.

Des projets en logiciels libres sont actuellement en cours de développement ou déjà livrés, partout en Europe, pour une administration électronique qui se déploie plus rapidement, de manière plus interopérable, plus indépendante, plus sûre, grâce à des logiciels libres. En n'achetant que des services à valeur ajoutée, et en faisant évoluer les solutions ensemble, les acteurs publics ont le sentiment de bien gérer les deniers publics et d'aller vers l'administration électronique transparente de pays libres.

La menace de contentieux incessants liés à des brevets agressifs va se traduire par un coup de frein, sinon par un coup d'arrêt, de ces projets stratégiques, et contraindra les Etats et les pouvoirs locaux à continuer en Europe de confier entièrement à des éditeurs privés les solutions de gestion des infrastructures publiques. Ces acteurs sont des très grands groupes internationaux. Inutile de vous dire que les plus grands ne sont pas européens !

Nous avons donc au passage la réponse à la première question : qu'on ne s'y trompe pas, ce ne sont pas les PME qui militent à Bruxelles en faveur des brevets logiciels ! Soyons clairs et osons le dire : des entreprises non-européennes nous proposent de choisir les armes mêmes qui assureront leur domination sans partage sur l'informatique européenne.

Les partisans des brevets logiciels ont un objectif évident : empêcher le développement des logiciels libres. Pourquoi ? parce qu'il menace de réduire, et de réduire rapidement, la part d'argent public qui passe en Europe dans l'achat de licences propriétaires.

Les parlementaires européens qui croient par là encourager tel ou tel segment d'entreprises informatiques européennes vont se tirer une terrible balle dans le pied : en rendant dépendante, très coûteuse, plus lente et moins sûre la construction des infrastructures d'échanges informatiques entre les entreprises, les administrations et les citoyens en Europe. L'enfer est pavé de bonnes intentions.

Je fais appel à vous pour que vous alertiez nos parlementaires européens : dites-leur que c'est l'informatique publique et l'administration électronique qui est en jeu dans la directive sur les brevets logiciels. Ceux qui veulent des brevets veulent nous garder comme leurs clients captifs. Ils veulent nous empêcher de nous libérer !

Je vous en remercie par avance et vous prie d'agréer, cher membre, l'assurance de mon dévouement à la cause du bien public.

François ELIE Président de l'ADULLACT

cette lettre en pdf

PS (quelques jours plus tard) : Le parlement européen a voté mercredi 6 juillet 2005 contre les brevets logiciels avec 648 voix contre et 14 voix pour. C'est à se demander pourquoi la commission essaye de faire passer des directives inacceptables pour les parlementaires. Que de temps perdu !

Cela dit, l'OEB - Office Européen des Brevets - continue impunément de se faire rémunérer pour accepter des brevets logiciels inapplicables en droit européen.

Créé par Admin
Dernière modification vendredi 08 juillet 2005 10:36